Arielle Dombasle et Nicolas Ker sont-ils des vampires ? (Soleil Rouge)

Pour cette nouvelle collaboration musicale, Nicolas Ker et Arielle Dombasle mettent des mots et des sons sur leur attirance pour les profondeurs de notre monde. Dans une quête artistique abyssale, ces anti-conformistes à leur manière partent de la simplicité de la matière liquide pour remonter jusqu’à la complexité de la création. Les onze titres de l’album, dont Le Grand Hôtel, sorti aujourd’hui, sont aussi aériens que poétiques. Voyage au centre de l’Empire. 

Arielle Dombasle et Nicolas Ker par Dahmane pour Closer

Vos enfances sont similaires. Arielle, vous avez grandi au Mexique. Nicolas, au Cambodge et avez tous deux emménagé en France à l’adolescence. Arielle, votre album Diva Latina est entièrement en espagnol. Nicolas, pour ce nouvel album (Empire), c’est la première fois que vous écrivez une chanson en français mais cet album en duo reste majoritairement anglophone. Est-ce que voguer entre plusieurs cultures, et plusieurs langues, permet de développer plusieurs personnalités ? 

Nicolas Ker: Je tiens à signaler que j’ai écrit beaucoup de paroles en français, cela m’est aussi facile qu’en anglais ; par contre je préfère ma voix anglophone donc l’utilise quasiment systématiquement. Pour ce qui est des langages, chaque langue fait jouer différents circuits synaptiques : on perçoit le monde différemment suivant qu’on le pense en une langue ou en une autre, il en est de même pour nos propres émotions et sentiments. Ne commençons même pas sur l’impact singulier d’une culture comprise sur notre personnalité. Oui, je suis plusieurs.

Arielle Dombasle: Oui, je suis un oiseau passablement exotique. Il me semble que la situation étrangère est partout la meilleure. Je me suis toujours sentie au carrefour de trois cultures: la catholique baroque mexicaine, le Grand Siècle français, et le kinky kitsch américain.

Vos personnalités scéniques et médiatiques, ont fini par transcender pour chacun d’entre vous votre image (publique au moins). Façonnez-vous une certaine idée de l’artiste français.e ou est-ce l’inverse ?

A: Je me reconnais dans des inspirations paradoxales: Je suis une Autre, et française d’adoption.

N: Même si le rock’n’roll (une de mes inspirations primale) est d’obédience anglo-saxonne, je suis également saturé d’écrivains français. Il me semble être un artiste français s’exprimant en un autre idiome. J’habite ici. 

L’Empire est ce que l’on bâtit, dirige, érige, puis dont on perd le contrôle puisqu’il nécessite d’être partagé d’une certaine manière pour exister. Le choix de ce mot pour votre nouvelle collaboration est-il une métaphore de l’album lui même ? Des carrières artistiques en général ?

N: L’Empire est le règne matériel, le Malkuth des kabbalistes, le Samsara bouddhiste. Je le considère comme carcéral, au contraire d’Arielle qui le parcourt avec ravissement.

Si l’alliance autour de cet album est décrite comme une aventure terrestre entre deux citadins, c’est pourtant aux fonds marins que vous dédiez Empire mais également votre album commun précédent La Rivière Atlantique. En plus d’être vitale, l’eau est-elle une matière inspirante ?

A&N: Elle l’a été pour nous deux, en tout cas. C’est depuis un cristal collectif généré par tout que surgissent. L’ Empire englobe toute matière, autant celle d’un homme, que celle d’un loup, d’un champignon, d’un grain de sable ou d’une nano-particule. 

Arielle, vous poétisez votre engagement pour la protection des océans sur les réseaux sociaux en laçant le hashtag #jesauveunesirène et en vous mettant en scène comme telle dans le clip de « We bleed for the Ocean », justifiant cette représentation par une forme de mythe qui remonterait à votre enfance et se matérialiserait jusque dans votre prénom. Comment l’imaginaire tient-il sa place dans le militantisme écologique ?

A: On dit que l’imagination est la folle du logis. J’en raffole.

Vous défendez la grandeur esthétique contre la médiocrité, la banalité et le conformisme. Comment maintenir un tel projet à l’ère du tout globalisé et accessible ?

N: Ce genre de globalisation des œuvres singulières me semble plutôt être une chance, malgré tous les crimes générés par l’Internet.

A: Minorities are always right.

Les poly-artistes se font lentement accepter en France. Nicolas, vous êtes auteur-compositeur, interprète et réalisateur. Arielle, comme on peut le lire sur votre compte Instagram, vous êtes « actrice, chanteuse, muse (de mode), réalisatrice ». Mais vous êtes également comédienne et danseuse, parfois même qualifiée « d’intellectuelle ». Comment mène-t-on diverses compétences artistiques de front dans le milieu culturel français ?

A: Au Carrefour des Arts, les uns se nourrissent des autres par transfusion sanguine.

N: Tous servent une même vision qui se définit au travers de transmissions, de télégrammes.

Nicolas Ker est un punk reconnu. Mais vous, Arielle Dombasle, avez peu voir jamais été qualifiée ainsi. Pourtant, à travers votre carrière, vous donnez l’impression d’avoir agi uniquement selon vos envies, en étant seulement vous même. Est-ce une forme de contestation ? 

A: Je suis un électron libre, c’est ma plus grande fierté, mon plus grand vertige.

Dans la vie, quand s’arrête le jeu ?

N: Le jeu ne s’arrête jamais. Ici notre crédit est illimité.

A: Au Purgatoire sans doute, en attente du jugement dernier.